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                                             CHEMINS...

À L'ORÉE DE L'AUTOMNE
 

Au printemps de ta vie tu naquis concassé, multiplié, dévêtu tels les éclats infinis de silex extraits de tes roches dures Tu étais jonchaie pierreuse, poudre de vie ancestrale mais tu l’ignorais, tailleur de tes rêves, captivé par ton ouvrage Parfois fossile, tu apprenais la dureté du minéral et son mutisme renfermant en toi les strates d’une généalogie secrète Tu serais l’orpailleur des mots, dans le fleuve intranquille d’une vie sans cesse ajournée dans les replis d’un désir inconnu * Tu empruntes souvent l'indécis chemin à la lisière énigmatique des franges de ton exil Conforté par les lumières de la nature, confidente de tes errances qui t'oriente au creux de sa main arborée vers l'orient scintillant Tu marches confiant sur tes pages caillouteuses, nervurées de mots racinaires Vers ton pays natal, cette enfance poème que tu déplies aujourd'hui * Tu écris assis sur tes copeaux d’enfance, ébouriffé de sciure Face à ta réserve de chutes de bois, dans la menuiserie disparue Tu te souviens de ces rais de lumière mêlées à la poussière boisée Décrivant des volutes odorantes qui dansent dans ton cœur Mais tu as changé d’atelier, troqué le bois pour l’encre, le maillet pour la plume Insensiblement l’écriture happe les silences de ton existence Et tu travailles en elle apprenant la poésie en toute chose Tu écris à l’orée de l’automne, recueilli, assagi, en proie aux vents de la félicité Auprès d’une force insoupçonnée qui incise ton présent, décille tes lendemains Cette voix intérieure, filigrane impalpable dans la chair de tes feuillets * Et tu ne voyages pas dans la crypte de ton cœur Ce soleil intérieur serti par la crue d’un silence sans âge Et tu ne voyages pas enserrant ton enfance Ce cèdre centenaire que tu ne peux relâcher Et tu ne voyages pas affrontant l’indissoluble division en toi Cette coupure invisible qui lacère ton âme Et tu ne voyages pas, asservi à l’écho de ton cri originel Ce souffle intraduisible que pourtant tu écoutes encore Et tu ne voyages pas, frêle esquif surnageant sur la crête de l’oubli Car tu écris la mémoire éphémère qui jardine ta présence Et tu ne voyages pas, incertaine pierre volcanique Qui, légère, repose au pied d’un parterre d’acanthes

Vie d'errance dans un cœur saltimbanque Une étoile mourante semble renaître poésie Insensible lueur éclairant des restanques Ouvrages élancés au fond d'une ravine transie Et la source céleste rejaillit en amont de l'oubli Tu ressens alors gronder le tumulte de ta mémoire Cette enfance sourde encore ébahie Étendue sur les berges vertes de l'espoir Tu naquis entouré de friches et de sentiers Sous les coupoles de verres des tilleuls centenaires S'entremêle alors en toi le souvenir de ton herbier Et le silence effrité des roches calcaires * Enrôlé par l'image brute du désir Tenture monochrome irradiée Tu recherches dans le sous-bois du langage un apaisement Et tu scrutes des chamarrées phonèmes Tu empruntes alors l'indécis chemin à la lisière mystérieuse de ton envol Conforté par les lumières de la nature Confidente de tes errances Boussole nichée au creux de sa main arborée Tu marches confiant vers ton pays d'accueil Sur tes pages caillouteuses nervurées de mots racinaires Tu marches au milieu de l'aube Au printemps de ta vie, roncière d'avril À la rencontre de l'éveil Ce pays souffle, terre du poème * Tes vies sont d'infinis chemins Recouverts d'une brume automnale Et tu embrasses l'enfance parchemin Territoire grandiose partition atonale Au gré du long voyage au centre du pays fertile Tu recours à l'écriture tranchante Flèche dans ton cœur volatile Palpitant de lettrines saignantes Majuscules d'ors et de larmes Et tu souris à nouveau aux vents séduisants Ange replié dans tes versets parmes Toi, nouveau ver luisant * Chemins labyrinthes toi-même dédale Chemins d'errance appelé par le large Chemins alourdis par le poids des mirages Chemins mirifiques dont tu ne reviens pas Chemins miroirs et tu deviendrais l'autre Chemins vitraux et tu serais poussière Chemins à la croisée et tu aurais le choix Chemins aériens au creux de la canopée Chemins irréels vers l'entrelacs stellaire Chemins imaginaires et tu demeures scribe * Dans la clairière d'une page blanche Tu allumes un feu d'ormes morts Bûcher purificateur où se scellent les souvenirs d'une vie antérieure Renseigné par d'acres fumées épaisses Houppelandes aux senteurs crépusculaires Tu devines le chemin lointain encore impénétrable S'enroulent les fuites et les mots tus Échoués dans la pénombre de tes marges Spirales de tes cahiers incendiés Tu survivras ravivé jusqu'à l'envol parmi les plaines Par-delà l'errance dans la nuit suffocante Embrasé par les soupirs hoquetant de ton passé Tu attends au creux d'heures rougeoyantes Touffes d'herbes noircies, âtre de tes brûlures Insensiblement les étoiles dansent dans ton ciel incandescent Et tu perçois les allées épurées du langage Reflétées dans l'aube d'un âge nouveau Une dernière étincelle s'évapore du feu de ton enfance Invité alors par une ultime fumerole Tu traverses le brûlis de tes années blanches *

MES NUITS

Somnambule dans la nuit mirage Tu marches sur des rêves d'orages Tête nue sous la voûte stellaire Et tes pas réverbères Aimantés par la force tellurique Inspirent l'évaporation poétique Rosée étincelante éphémère fleur Onde puissante de ton cœur * Tu écoutes la nuit tranchante cisailler des heures recluses abasourdies de silence Et tu ne penses plus L'écriture te veille Douce expiration vitale Retranscrire sa voix Et tu redeviens scribe Être élémentaire Tu inscris maintes pages dans la chair du papier Tends ta main vers ton enfance Ressens ce continuum Le temps du poème Et deviens passage Corps inanimé Seul t'écrit le souffle Et tu es aérien * Sculpte ta nuit sourde Poussière de roche Ensevelie éreintée Tes rêves écrus meurent Une toile au couteau inachevée Raconte l'esquisse de ton regard Ce serait l'incessant relief Ton âme érigée armure sur le chevalet oublié Une averse sonore érode soudain les arêtes de tes songes Tu t'éveilles arrimé au poème Surpris par son chant Souffle incarné en toi Tu écris à demi conscient Tu naîtras incessante brisure Dégradé de brume Lavis infini * Traversée par la lame de l'oubli ton âme respire Tu ériges alors des fantasmes dans le bois de ta mémoire Et déplies ainsi ta double absence au monde S'envolent alors tes pensées blanches offertes au silence À travers ton regard ombré ébloui Tu recherches une vie contemplative Créée par le feu du poème sous les hautes futaies Cette enfance éternelle ébréchée par le temps * Tu ressens se détacher la peau du silence Sur une terre saturée de palabres Sourd en toi l'aube du poème Coda d'une nuit brûlée par l'attente * Tu exploras l'incandescente nuit satinée Ce long fleuve au cœur de ta mémoire sourde Charriant l'ombre boisée de tes visages flottants Et tu ne revins pas de tes journées brumeuses Timonières agrippées au gouvernail de ta vie Te guidant dans des chenaux d'écorces brisées Au cours de haltes sur les berges de ton exil Armé d'une plume suspendue aux ramures de tes rêves Ensemencé tu en écrivis l'avers solaire *

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